Histoire
du site

Petite histoire du site historique qui jouxte le Campus Nation

Notre beau Campus de Nation va s’implanter tout contre un site tristement historique de la ville de Paris où s’est écrite une part de l’histoire nationale et des violences de la Révolution Française. Nos bâtiments jouxtent le site et une partie des fenêtres donne sur ce site. Elles ont été opacifiées à la demande des religieuses de Picpus, sœurs des Sacrés-Cœurs et de l’Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, qui occupent encore aujourd’hui les lieux et y prient sans relâche. 

La Sorbonne Nouvelle, université des cultures et qui défend des valeurs d’ouverture et de solidarité ne peut pas tourner le dos à cette histoire. Il ne serait pas souhaitable de s’installer à Nation dans le déni de ce site historique où se trouve aujourd’hui la Chapelle de Notre-Dame-de-Paix, Chapelle expiatoire du sanglant épisode révolutionnaire dont les lieux ont été le théâtre et dont nous entendrons depuis le Campus la cloche sonner les heures.

Prendre en charge cette mémoire au plan historique, culturel et spirituel est une responsabilité que notre université doit honorer et l’Institut d’Études théâtrales se propose d’y contribuer, notamment au moment des fêtes d’inauguration du Campus.

Un pan de l’histoire révolutionnaire 

En pleine Terreur, place de la Révolution (devenue depuis place de la Concorde), la guillotine coupe des têtes à tour de bras, à raison de cinquante-cinq exécutions par jour. Les corps sont emportés vers le village Monceau et jetés dans des fosses communes. Mais les fosses sont bientôt pleines et  répandent une odeur pestilentielle. Il faut trouver un autre site. 

En juin 1794, les autorités déplacent la guillotine à l’est, vers la barrière de Paris, sur la place du Trône-Renversé (aujourd’hui place de l’île de  la Réunion). Or tout près, se trouvent les jardins du couvent des chanoinesses de Saint-Augustin, fondé  en 1640 et devenu bien national sous la Révolution. C’est un immense enclos de 300 mètres de long  sur 70 mètres de large protégé par de grands murs, de quoi faire disparaître discrètement les corps. On  ouvre une porte pour les charrettes et on creuse deux fosses où, entre le 14 juin et le 27 juillet 1794, seront inhumés 1306 victimes décapitées, soient 1109 hommes (108 nobles, 108 ecclésiastiques, 136  moines, 178 militaires et 579 roturiers) et 197 femmes (159 nobles, 178 militaires, 136 moines et 23  nonnes). 

Un site devenu sanctuaire


En septembre 1795, alors que la Terreur a pris fin et que commence le Directoire, le domaine est mis en vente. La princesse Amélie de Hohenzollern-Sigmaringen rachète discrètement en 1797 une parcelle du terrain, celle où se trouvent les fosses communes. 

En effet son amant Alexandre de Beauharnais, le mari de Joséphine future épouse de Bonaparte, mais aussi son frère, le prince Frédéric III de Salm-Kyrbourg, tous deux guillotinés en 1794, y sont inhumés. Ont également été jetés à la fosse commune de Picpus, le poète André Chénier, qui prend la défense de Charlotte Corday, après la mort de Marat ou les Carmélites de Compiègne, 16 sœurs entre 29 et 78 ans, qui inspireront « Le  dialogue des Carmélites » à Bernanos et Francis Poulenc.

Le cimetière des familles

Sous le Consulat, en 1802, Madame de Montagu et sa sœur, la marquise de La Fayette, épouse du héros de l’indépendance des Etats-Unis, lancent une souscription pour acquérir l’ensemble du domaine où se trouvait le couvent et y fonder un cimetière, car leur grand-mère, leur mère et leur sœur aînée sont enterrées dans ces fosses communes. Se constitue alors le Comité de la Société de Picpus qui deviendra la Fondation de l’Oratoire et du cimetière de Picpus, celle-ci confie la garde du cimetière attenant à l’enclos des fosses communes, aux religieuses des Sacrés-Cœurs et de l’Adoration perpétuelle qui font édifier une chapelle expiatoire, afin d’y prier pour le salut des victimes et des  bourreaux. 

C’est pourquoi on retrouve dans ce cimetière privé les pierres tombales et devises de grandes familles aristocratiques comme La Rochefoucauld, Chateaubriand, Montmorency, Polignac, Rohan... Le Marquis de La Fayette s’y trouve enterré et repose comme il l’a souhaité recouvert de la  terre de Brandywine qu’il avait ramenée d’Amérique, tandis que flotte constamment sur la tombe un  drapeau américain. 

Tous les 4 juillet, l’Ambassade américaine commémore l’Indépendance sur sa  tombe et dépose une gerbe de fleurs.

La Chapelle Notre-Dame-De-Paix de Picpus 

Et en 1806, Notre-Dame-De-Paix, la vierge noire miraculeuse de Paris, qui date de la Renaissance et à qui Louis XIV devait d’avoir survécu à la maladie le 9 juillet 1658, était devenue la Madone la plus vénérée de la capitale avant la Révolution, suscitant des pèlerinages venus de toutes l’Europe.

Sauvée du pillage au moment des événements révolutionnaires, elle sera finalement confiée par les moines Capucins de Saint-Honoré à la congrégation des Sacrés-Cœurs. Les sœurs font alors construire une chapelle attenante et l’ensemble devient la Chapelle de Notre-Dame-de-Paix  de Picpus. La fête de Notre-Dame-De-Paix a lieu le 9 juillet en commémoration de la guérison  miraculeuse de Louis XIV.

Article de Sylvie Chalaye

Directrice adjointe de l'IRET - Institut de Recherche en Etudes Théâtrales de la Sorbonne Nouvelle